Rodin-Giacometti en images


Du 27 juin au 24 novembre 2019 – Tous les jours de 9 h à 19 h, à la Galerie Sam Szafran

Quand les artistes se laissaient photographier


Les deux artistes prennent volontiers la pose devant l’objectif et surtout grâce à la photographie leurs œuvres sont diffusées, mais ni l’un ni l’autre ne se servent d’un appareil. Ils préfèrent que d’autres le fassent ! Rodin fait appel à la photographie de la fin des années 1870 à son décès en 1917. Aussi, sa collection se révèle le reflet de l’évolution, des transformations, des diversités techniques que connaît la photographie avec des tirages variés alors que celle de Giacometti est dominée par le même savoir-faire. Par contre chez tous les deux on croise la même thématique : l’artiste au travail, l’artiste et son modèle, l’œuvre en cours, le désordre de l’atelier. Mais si le sujet est le même, toutes ces photographies se distinguent par de nombreux aspects : les époques différentes, les méthodes de travail et les prises de vues. Rodin convoque des photographes alors qu’ils se rendent chez Giacometti sans être appelés.

Rodin et l’enjeu de la photographie
Rodin commence à être reconnu à partir de 40 ans et dès les années 1880, il occupe plusieurs ateliers, le plus célèbre étant celui du Dépôt des marbres. Des critiques désirent illustrer leurs articles et Rodin fait appel à des photographes encore peu connus. Et, grâce à ces images les œuvres en cours de réalisation sont dévoilées dans l’atelier comme Saint Jean-Baptiste, Les Bourgeois de Calais, Le Penseur, etc. A cette époque, les photographies sont reproduites par l’intermédiaire de la gravure. Dans les années 1890, les demandes de la presse nationale et internationale s’intensifient, la photographie prime sur la gravure et occupe une place de choix dans les journaux et les revues illustrées. Rodin mesure l’enjeu que représente la diffusion de son œuvre et engage un photographe amateur, qui se laisse plus facilement diriger qu’un professionnel. Eugène Druet travaille sans être rémunéré de 1896 à 1903 et rend parfaitement sur le papier l’atmosphère qui entoure la sculpture. Puis Rodin signe un contrat avec l’éditeur photographique Jacques-Ernest Bulloz et garde un contrôle total sur toutes les images. Les ouvrages concernant Rodin fleurissent et leurs auteurs profitent d’illustrer leur prose de photographies. Rodin reste vigilant quant à la reproduction de ses sculptures mais devenant réputé, il se révèle un sujet intéressant pour les photographes qui tirent le portrait des célébrités : tels Reutlinger, Nadar, Dornac etc. Rodin dédicace volontiers portraits et représentations de ses œuvres.

Giacometti, photographié en osmose avec son œuvre
Contrairement à Rodin qui possède de nombreux lieux de travail, Giacometti sera toujours à la même adresse : rue Hippolyte-Maindron depuis 1926. Dans ses débuts, les photographies de ses sculptures sont en relation avec le milieu artistique et littéraire qu’il côtoie. Les revues dans lesquelles sont reproduites ses œuvres cohabitent avec des hommes de lettres et des artistes qui expriment leurs idées. Giacometti, par exemple, traite plusieurs fois du sujet du Surréalisme au service de la révolution. Après la Deuxième Guerre mondiale, à son retour de la Suisse en 1945, Giacometti retrouve son atelier dans lequel commencent à défiler des galeristes, des collectionneurs et des critiques. Et jusqu’à son décès en 1966, les photographes fréquentent beaucoup cet espace exigu de création devenu légendaire.
A la fin des années 1940, le talent de Giacometti est reconnu au-delà des frontières et notamment à New York en 1948 grâce à Pierre Matisse et Adrien Maeght à Paris à partir de 1951. Maintenant, les photographes qui se rendent rue Hippolyte-Maindron collaborent pour des revues importantes tels : Les Cahiers d’Art, Vogue, Life Magazine, l’Express, etc. Grâce à la photographie, ils font carrière surtout dans le domaine artistique et se révèlent des portraitistes renommés. Tous sont animés, en principe, par le même objectif : mettre en évidence l’antre où Giacometti peint et sculpte et la synergie avec son œuvre et son atelier. Ernst Scheidegger, Henri Cartier-Bresson, Emile Savitry, Brassai, Richard Winther, ces quelques photographes reconnus sont les auteurs des images iconiques immortalisant dans son atelier Giacometti et ses œuvres.
Cette galerie de photographies se veut une représentation thématique qui souligne les images prises à des périodes particulières de la vie et de la carrière de Rodin et Giacometti. Elle couronne d’une façon émouvante et enrichissante l’exposition de ces deux grands artistes réunis pour la première fois au cœur des Alpes.

(Présentation de l’exposition dans le Cahier du Nouvelliste du 25 juin 2019, par Antoinette de Wolff-Simonetta)
Alberto Giacometti sculptant le buste d’Annette dans son atelier, vers 1964-1965
Fondation Giacometti, Paris © E. Scheidegger

Rodin travaillant au buste de Mme Simpson en sa présence, 1903
Paris Musée Rodin © Ouida B. Grant